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 Quand on t’annonce que tu as un cancer

Te voilà assise sur ta chaise en plastique orange des années 70 qui te colle aux cuisses si c’est l’été et qui grince lamentablement si c’est l’hiver. 

Tu te doutes bien que si tu es là, en rendez-vous chez le médecin, le radiologue, le gynéco, après un examen “de routine, c’est juste pour vérifier quelque chose”, tu te doutes bien que ce n’est pas juste pour le fun et le plaisir d’avoir pris une demi-journée de boulot, couru dans le métro pour ne pas arriver en retard, tu te doutes bien que quelque chose cloche dans tout ça.

D’ailleurs c’est simple, tu n’as pas dormi depuis 8 jours, depuis qu’on t’a fait cette biopsie dans le sein “ne vous inquiétez pas, ce n’est pas douloureux, ça piquera juste peut-être un peu, mais ça ne dure pas longtemps.” (bien sûr… bon en même temps, on a bien fait croire pendant des années à nos enfants que le Père Noël existait et que l’école, tu verras c’est vraiment super génial, tu vas te faire plein de copains et apprendre plein de super choses qui te serviront plus tard dans la vie).

Donc, tu as les cuisses qui collent sur le plastique, tu es gelée parce que tu es arrivée en nage, en retard, mais tu as dû attendre 45 minutes sous la climatisation réglée à fond. Donc si tu n’as pas un cancer, au moins tu es sûre d’avoir chopé un rhume un plein mois d’août, vraiment pas chanceuse la fille !

Tu as des cernes jusqu’aux genoux par manque de sommeil, tu es un tout petit poil nerveuse et fatiguée, tu ouvres les yeux comme des soucoupes et les oreilles comme la grand voile d’un bateau un jour de régate à Brest, tu te dis que quoi qu’il arrive, tu vas garder ton calme (arrête de te gratter les genoux, ça laisse des traces…)

Et là, quand tu vois la tête de ton médecin, radiologue, gynéco… tu comprends que non, ça ne va pas le faire. Il regarde ses papiers, il respire calmement, il cherche ses lunettes et il commence à te parler dans une langue étrangère, ça dure des heures, tu ne comprends rien du tout à ce qu’il te raconte, comme une radio entre deux stations. 

 

Oui oui, c’est bien ça, madame, vous avez un cancer

Parfois, s’il est de la vieille école, tu dois lui reposer la question (LA QUESTION) deux ou trois fois avant qu’il ne consente à te répondre clairement (un peu comme le notaire dans le film “Les trois frères” des inconnus, mais en nettement moins drôle), qu’il consente à te répondre, du bout des lèvres, Oui oui, c’est bien ça Madame, vous avez un cancer.

Et il repart dans sa litanie en langue d’une autre planète, vous ne captez plus rien parce que ton cerveau a un bug. Il a besoin d’être débranché-rebranché et vérifiez bien la prise derrière le mur Madame s’il vous plaît.

Tu souris comme une demeurée parce que les livres de développement personnel t’ont appris à faire ça en cas de panique (souris et la vie te sourira !), tu te mets à pleurer comme un bébé et tu as honte devant le toubib qui te tend un mouchoir en papier (il a l’habitude ne t’inquiète pas pour ça), tu as envie de te sauver en courant (peut-être que si je retourne chez moi en vitesse tout ça n’aura jamais eu lieu ahah) certaines vont même (pourquoi je parle de moi tout d’un coup ?) aller jusqu’à rassurer la radiologue et lui dire “ne vous inquiétez pas, tout va bien se passer, c’est pas si grave, je le sais.” (je l’aime beaucoup ma radiologue alors je ne voulais pas qu’elle soit triste et qu’elle s’inquiète pour moi 😁).

Voilà.

 

Un petit coup de panique

Tu as beau être PDG d’une multinationale, tu as beau avoir élevé quatre enfants sans avoir perdu la tête, tu as beau être une adulte responsable, reconnue, qui connaît une super recette de tarte au citron et qui a un PEA depuis ses 22 ans, eh bien…

Tu ne sais plus où tu habites et c’est la panique totale.

Il ne te reste plus qu’à te lever de cette chaise en plastique sans y laisser collée la peau de tes cuisses (la prochaine fois, mets plutôt un pantalon), à sortir de cette pièce de l’enfer sans zigzaguer comme la fois où tu as gagné un concours de shot à la plage de Palavas en 2012, ni te cogner le pied dans la porte, ni te mettre à genoux en s’agrippant aux jambes du médecin et en pleurnichant “oh non s’il vous plaît non, tout mais pas ça, dites-moi que vous vous êtes planté de dossier” (non, ça ne se fait pas ça, se mettre à genoux, on a sa petite dignité quand même), et je signale que tu n’as pas le droit non plus de le traiter de bip biiiiiip, il n’y est absolument pour rien et il faut toujours rester en bons termes parce que c’est lui et ses collègues qui vont t’enlever cette chose alors il vaut mieux rester ami.

Voilà.

 

 

Bienvenue dans la K-dimension

Et prépare-toi au chaos.

 Autant te le dire tout de suite, le cancer est pire et mieux que ce à quoi tu t’attendais.

Comme disent les Normands « P’t’être ben qu’oui, p’t’être ben qu’non” le cancer, c’est pareil.

Pour certaines choses tu te diras “ah tiens, ce n’est que ça finalement” et pour d’autres, autant que tu le saches, ça va pas trop bien se passer.

 

 

L’essentiel ici c’est de te préparer au chaos.

J’adore cette phrase que j’ai empruntée à une coach qui l’a employée plusieurs fois lors d’un live que j’ai perdu quelque part dans les profondeurs d’internet.

Elle expliquait son cheminement lorsqu’elle avait décidé d’intégrer une formation de marketing digital (quel rapport avec le cancer ? Aucun !). Une grosse formation avec beaucoup de travail à faire. En même temps que la création de sa propre entreprise et d’un autre truc dont je ne me souviens plus (un bébé ? un déménagement ?), enfin bref, une période de gros gros travail, stress, très énergivore. Une période où il ne fallait pas qu’elle panique et qu’elle lâche prise en cours de route, parce qu’il y avait un gros enjeu.

(tu commences à faire le lien avec le cancer ?)

Et comme on lui demandait “Mais comment tu as fait pour passer toute cette période et ne pas te laisser submerger par toutes tes responsabilités et ton travail ?” elle a plusieurs fois répondu :

“Je m’étais préparée au chaos”

Son enjeu était de passer cette période compliquée parce qu’elle savait qu’elle devait passer par là pour aller où elle voulait aller (monter sa boîte et la faire super bien marcher).

Son objectif était :

Monter sa boîte et la faire super bien marcher

Sa décision était :

Je ne peux pas tout faire, donc je me focalise sur ce que je considère important, nécessaire et urgent et tout le reste, je laisse tomber, je verrai ça plus tard (me refaire les ongles, chasser les moutons sous mon lit, préparer mes vacances…) Tout ce qui n’est pas indispensable à mon objectif n’existe pas. Point barre.

Son principe était :

Prépare-toi au chaos, tiens bon, n’oublie pas ton objectif et Banzaïïïï !!!

J’ai adoré cette phrase et cette idée. Il y a des moments dans la vie où tu ne peux pas tout faire, tu dois rester focus sur ton objectif et tout le reste, ça peut attendre.

Remettre les pendules à l’heure

(et c’est même à se demander parfois si le cancer ou un autre coup dur n’arrive pas JUSTEMENT pour remettre un peu les pendules à l’heure et te faire voir bon sang de bonsoir, te faire regarder en face ce qui est important pour toi et que tu négliges depuis si longtemps. Mais ça, c’est une autre histoire.)

Bon, bref, revenons à mon sujet du jour.

Prépare-toi au chaos.

Comme ça, tu auras à peu près les armes pour avancer. (Un homme avertit en vaut deux 😀)

Ce qui change quand on a un cancer

Voilà une petite liste (non exhaustive) des choses qui vont changer pour toi pendant cette période.

(peut-être pas toutes ces choses, peut-être d’autres choses, peut-être c’est grave, peut-être pas, mais disons que c’est une moyenne)

Ce qui change :

  • ton travail
  • ta famille
  • tes amis
  • ton corps
  • ta vision de la vie
  • ton rapport à la médecine
  • tes priorités
  • tes fringues
  • ton regard
  • ta légèreté
  • ton innocence
  • ta perception du temps qui passe

Voilà tout ce qui risque de changer dans ta vie (j’aurais peut-être mieux faire de faire une liste de ce qui ne changera pas dans ta vie ?).

En plus ou moins fort, en plus ou moins grave, mais en gros, c’est simple :

Tout va changer (et rien ne va changer, c’est bizarre non ?)

  •  Tu vas (peut-être) devoir lever le pied au boulot, voire même t’arrêter quelque temps
  • Tu vas (peut-être) avoir une vie de famille compliquée (qui va s’occuper des enfants, et mon nouveau chéri, comment il va le prendre, et mon mari comment je vais supporter qu’il ne m’aide jamais, et patati et patata)
  • Tu vas (peut-être) voir tes amis se sauver en courant comme si ta maladie était contagieuse
  • Tu vas (peut-être) voir ton corps changer et tu vas (peut-être) avoir du mal à supporter ça
  • Tu vas (peut-être) avoir des problèmes d’argent (manquait plus que ça !)
  • Tu vas (peut-être) voir plus de toubib en un an que dans tout le reste de ta vie
  • Tu vas (peut-être) devoir revoir toutes tes priorités (finalement, faire les soldes le soir sur internet, c’est pas si essentiel que ça, est-ce que j’ai vraiment besoin d’une 38ème paire de chaussures alors que j’ai déjà plus de place dans mes placards ?)
  • Tu vas (peut-être) modifier ton regard sur la vie, les gens, la politique, ta marque de café préférée
  • Tu vas (peut-être) changer de goûts culinaires (finalement, la pizza ananas c’est vraiment super bon !!!)
  • Tu vas (peut-être) perdre ton innocence, ta légèreté, ton insouciance
  • Tu vas (peut-être) modifier ta perception du temps qui passe (bon sang mais qu’est-ce qu’il passe vite celui-là !)
  • Tu vas (peut-être) avoir une furieuse envie de revoir des gens que tu as perdus de vue parce que la vie est comme ça, ou avoir une furieuse envie d’envoyer paître des personnes qui te prennent la tête depuis des années mais que tu supportes depuis bien trop longtemps dans ta vie.

 Pour te préparer à tous ces changements, il va te falloir :

(un peu de) souplesse

Arriver à t’organiser en fonction de, voir tes priorités, laisser des choses de côté, être plus cool avec les enfants, moins te prendre la tête sur des détails sans importance, adapter ton emploi du temps, ton mode de vie (finalement, traîner en pyjama toute une matinée c’est pas si dégradant que ça.)

 

(un peu de) lâcher prise

Tu ne peux pas être au top sur tout, c’est impossible. Tu ne peux pas tout savoir sur le cancer, et d’ailleurs c’est inutile, ce n’est pas toi qui te soignes, c’est les médecins et crois-moi, ils en savent plus que toi sur la question. Tu ne peux pas répondre toujours avec le sourire, faire semblant que tout va bien. Tu ne peux pas être toujours à la disposition des gens et les rassurer quand ils en ont besoin.

 

(un peu de) confiance

Il va bien falloir faire confiance dans la médecine et dans la vie. C’est bien simple, tu n’as pas le choix.

 

(un peu de) retour vers toi-même

C’est le moment (intéressant) de te demander qui tu es vraiment, ce que tu veux vraiment. Là, tu es obligée de faire une pause alors autant utiliser ce temps pour refaire connaissance avec toi. Qu’est-ce que tu aurais aimé faire de ta vie, qu’est-ce que tu rêvais de devenir quand tu étais petite, que s’est-il passé, pourquoi veux-tu rester en vie, qu’est-ce que tu dois faire que tu n’as pas encore fait ?

 

(un peu de) fantaisie et beaucoup d’humour

Crois-moi, tu vas avoir besoin d’humour, d’auto-dérision et de fantaisie.

 

(un peu de) vision globale

Si tu vois ton cancer comme une parenthèse dans ta vie, un truc qui se passe, un événement pénible mais juste un événement, alors ça va t’aider à le traverser. C’est “juste” une période pourrie qui s’ouvre devant toi mais tu as toute la force et la gniak pour arriver de l’autre côté.

 

(un peu d’) aide extérieure

Il va falloir compter sur les autres et leur dire clairement de quoi tu as besoin. Tu le dis clairement et ils sauront quoi faire pour t’aider. N’attends pas que les actions viennent des autres.

Tu as déjà reçu un cadeau pourri pour la Saint Valentin, la fête des mères, ton 10ème anniversaire de mariage ?

Statistiquement, c’est obligé ! Mais c’est souvent parce qu’on ne dit pas clairement ce qu’on veut. On s’attend à ce que les gens devinent ce que l’on veut. Le problème, c’est que les gens sont les gens, ils ne sont pas nous, ils ne savent pas ce que l’on pense et ce que l’on désire, ce que l’on convoite.

Donc vas-y, n’hésite pas à mettre les pieds dans le plat et à demander clairement ce que tu veux. Si ça marche c’est super si ça ne marche pas tant pis. Au moins tu auras émis clairement tes besoins.

 

(un peu de) gestion de tes émotions

Tu vas passer par des hauts et des bas, des crises de larmes, de la tristesse, de la peur, de la joie, de la gratitude, de l’ennui… Tu vas passer par toutes les couleurs. Alors dis-toi que les émotions sont des nuages qui passent dans ton ciel, elles te signalent quelque chose qui se passe dans ton corps, elles te donnent des impressions.

N’hésite pas à lire des bouquins sur les émotions et surtout, garde toujours à l’esprit que les émotions sont des nuages qui passent dans ton corps et ton esprit. Tout passe. Le cafard passe, la peur passe, la tristesse passe.

 

 

Je suis entrée dans une papeterie. Il me fallait un cahier, un épais à spirale pour noter ce qui me serait dit. Comprendre ce que j’allais devenir. Je l’ai choisi avec une couverture bleue. Le bleu du ciel, lumineux et gai. Mon premier acte de résistance.

Une joie féroce – Sorj Chalandon

 

Quels outils pour traverser ton cancer ?

 

Un carnet c’est génial

(bon, c’est moins génial que Bulle de cancer, mais c’est déjà génial). Tu peux tout noter dedans, dès le début. Tes pensées, tes listes de courses, tes rendez-vous… Tout.

Je ne sais pas si c’est scientifiquement prouvé, mais pendant un cancer, on a un peu tendance à yoyoter intellectuellement parlant, on oublie des trucs, on a des pensées bizarres, alors autant noter les choses importantes. C’est plus sûr !

 

Bulle de cancer

Alors là, c’est le top. Il suffit de suivre les rubriques, les remplir comme tu veux, à ton rythme. Tout est fait pour te simplifier la vie et te la rendre plus belle et plus profonde.

D’ailleurs, pour le commander, c’est ici que ça se passe.

 

Un dossier en béton

Achète un beau dossier cartonné ou un lutin en plastique (qui dit encore lutin ? à part les secrétaires des années 80 dont je suis ?) pour centraliser dès le départ toute la paperasse administrative et médicale.

Ca t’évitera de chercher fébrilement ton dernier IRM 3 minutes avant de devoir partir à ton rendez-vous (mais bon sang où j’ai pu ranger cette foutue enveloppe, pourtant j’étais sûre de l’avoir mise quelque part où je m’en souviendrai…)

 

Des sites internet super sérieux

Fais-toi une liste des sites SERIEUX, pas des sites qui te filent des palpitations à 3 heures du matin alors que tu n’as déjà pas besoin de ça.

Sérieux, ça veut dire officiel, professionnel.

Et un conseil (mais ça c’est toi qui vois, chacun fait comme il veut) ce n’est pas la peine d’y passer tes journées. En général c’est plutôt flippant d’aller trop regarder tout ça, mais pour certaines c’est rassurant d’être vraiment au taquet sur les connaissances “techniques” de leur maladie.

 

Des associations

Vas voir ce qui se fait autour de chez toi. Il y a forcément des gens géniaux (Ligue contre le cancer, Etincelles) qui n’attendent que toi pour t’aider. Ca serait dommage de passer à côté.

 

Des amis

Bon ça, tout le monde a besoin d’amis.

 

Des projets

Avoir des projets devrait être OBLIGATOIRE quand on est malade, tellement ça fait du bien. N’importe quoi, même si c’est un projet totalement improbable, accroche-toi à quelque chose de concret (voyage au Japon, déménager, un dîner avec Ryan Gosling).

Tu peux même te faire un dossier avec des recherches internet (pas mal cette petite salle de bain pour mon nouveau chez-moi), des photos, des horaires d’avion. N’importe quoi qui te sorte du quotidien et te fasse visualiser l’avenir d’une façon positive.

 

Voilà, c’est tout pour aujourd’hui

J’espère que ce long article va t’aider à traverser tout ça.

Si tu as kiffé cette lecture et que tu penses qu’il peut servir à quelqu’un d’autre, pense à faire tourner.